Zoom sur la servitude de tour d’échelle

Servitude de tour d’échelle. En voilà une dénomination curieuse. Sur le blog de DDPC, on s’engage à vous faciliter la vie en termes de demande de permis de construire – certes – mais aussi en termes juridiques. Et on sait qu’il en existe une foule… Récemment, nous avons reçu un mail S.O.S. concernant la servitude dite « de tour d’échelle ». On nous demandait en quoi cela consiste et comment procéder lorsque la fameuse servitude s’applique. Alors aujourd’hui, on tente de faire la lumière là-dessus.

Maisons collées les unes aux autres.

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La servitude de tour d’échelle : explications

La servitude de tour d’échelle ne résulte d’aucun texte de loi. C’est la jurisprudence* qui en a progressivement délimité les contours en établissant ce que l’on peut envisager de faire ou pas sur la propriété de son voisin. Cette servitude, qui est en fait un droit d’usage, s’applique lorsque l’on habite si près de la propriété voisine qu’il est nécessaire d’y accéder, d’y poser une échelle, voire un échafaudage afin de réaliser des travaux d’entretien de la partie du bâtiment existant concerné.

Cette servitude permet de profiter d’un droit de passage temporaire et fait partie des obligations de bon voisinage. Seules conditions : n’avoir aucun autre recours pour remédier au problème et avoir besoin d’effectuer des travaux pour le maintien en bon état du bien. Notez que cela ne concerne pas les murs mitoyens. Dans le cas d’une mitoyenneté, la propriété est partagée par les propriétaires et chacun se doit d’entretenir le côté qui lui revient.

Dans quels cas peut-on invoquer la servitude de tour d’échelle ?

Sensément, on peut invoquer ce droit uniquement lors de travaux concernant l’entretien de son habitat ou des réparations indispensables. On pense à un ravalement de façade, à la réparation d’une façade ou d’un toit, par exemple. Il est important de savoir que la jurisprudence réserve cette servitude – qui constitue une atteinte à la propriété – aux biens déjà existants, à condition que cela n’occasionne pas de gêne excessive. Par exemple, s’il vous prend l’envie de transformer votre garage en loft et d’invoquer le droit de passer chez votre voisin pour cela, ce dernier peut refuser. Ces travaux ne sont pas indispensables à l’entretien de votre bien.

Comment procéder dans les règles de l’art ?

Pour établir une servitude de tour d’échelle en bonne et due forme, il faut commencer par aller discuter avec votre voisin afin de lui présenter le topo du projet. Tout cela se passe à l’amiable, mais nous conseillons de tout mettre par écrit, afin que personne ne puisse jouer de mauvaise foi. Pour cela, préciser la nature des travaux, la date à laquelle ils vont avoir lieu, leur durée estimée, ainsi que l’indemnisation prévue en cas de dégradations (par exemple, si votre échafaudage abîme la haie ou la pelouse). Aussi, il est plus sage d’effectuer un état des lieux avant et après travaux, de préférence avec un huissier, toujours pour éviter les mauvaises surprises éventuelles et la mauvaise foi.

Note aux voisins peu coopératifs

Vous pouvez vous opposer au passage de votre voisin sur votre propriété si sa requête ne remplit pas les critères fixés par la jurisprudence. Si vous ne parvenez pas à un accord, seul le juge peut trancher et décider si le refus est abusif ou non. Il peut alors autoriser votre voisin à passer ponctuellement chez vous, s’il juge que les travaux à réaliser sont urgents et/ou indispensables au maintien du bien en bon état. Notez que le juge peut décider de l’indemnisation à verser au voisin dérangé, si la gêne est vraiment notable. Mais il peut aussi demander au voisin ayant refusé abusivement le droit de passage de verser des dommages et intérêts à celui qui demande à réaliser ses travaux, en plus de subir le tour d’échelle.

Vous l’aurez compris, personne n’a vraiment intérêt à abuser de cette servitude de tour d’échelle.


* Jurisprudence : ensemble des arrêts et des jugements qu’ont rendu les cours et les tribunaux pour la solution d’une situation juridique donnée.


N’hésitez pas à nous poser des questions supplémentaires en commentaire de cet article, sur la page Facebook de DDPC, ou directement sur cette page.

2 réflexions sur « Zoom sur la servitude de tour d’échelle »

  1. Louis

    Bonjour

    En tant que propriétaire du fond autorisant le droit de « Tour d’échelle », peut-on imposer des conditions sur les dates de réalisation des travaux?
    Que les travaux soient réalisés pendant une période comprise entre une plage de trois mois. Par exemple hors période hivernale.

    Merci

    1. Rédaction RIA Auteur de l’article

      Si cette servitude n’est pas inscrite dans votre acte notarié (vérification auprès de votre notaire des servitudes dites « actives » et des servitudes dites « passives »), il s’agit de ce que l’on appelle une « quasi-servitude », qui dépend de la jurisprudence liée aux « obligations de bon voisinage ».

      Le droit d’Echelle est donc une quasi-servitude permanente qui ne saurait être limitée dans le temps (il n’est pas possible d’imposer une ou des dates pour son utilisation).

      Aussi, en tant que propriétaire du fond supportant cette quasi-servitude, vous ne pouvez pas imposer une période précise ou une date pour l’utilisation de cette quasi-servitude par votre voisin demandeur.

      Rien ne vous empêche par contre de discuter en termes courtois avec votre voisin, pour lui expliquer de façon étayée la raison d’une demande particulière, demande qu’il est en droit de ne pas accepter.

      Dans le cas où vous refuseriez, votre voisin peut vous attaquer au tribunal et vous pouvez être condamner à verser des dommages et intérêts pour recours abusif.

      Vous pouvez aussi, si par exemple vous disposez d’une piscine, demander à ce que l’échafaudage qui sera monté dans l’espace de la servitude soit occulté de votre côté par une bâche pour conserver votre intimité familiale.

      Votre voisin devra aussi faire réaliser un constat d’huissier contradictoire (c’est-à-dire en votre présence – si celui-ci refuse, nous vous conseillons de le faire quand même à vos frais) d’état des lieux, avec photographies, sur l’espace qu’il occupera et celui qu’il pratiquera pour accéder à l’espace de cette quasi-servitude, de façon à ce que les lieux soient remis en état à l’identique de ce qu’ils étaient avant lesdits passage (s) et occupation(s).

      Vous pouvez, dans le cas ou la gêne est importante, demander une indemnité financière pour « trouble de jouissance occasionné ».

      Enfin, il ne faut pas oublier que maintenir de bons termes de voisinage est assurément la meilleure des solutions.

      Dans tous les cas, nous vous conseillons d’établir un contrat écrit entre vous et votre voisin, pour l’utilisation de cette quasi-servitude, afin de régler au préalable tout malentendu qui pourrait naître de l’utilisation de ce droit.

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